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Lyne

Yves a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer à 63 ans. En juin 2017, une chute de 12 pieds a cependant beaucoup aggravé son état. Il a finalement été transféré dans un centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Mon mari ne reviendra plus à la maison.

Yves courait des demi-marathons et avait plus d’énergie que nos 3 petits-enfants réunis! Il avait une carrière formidable dans le domaine audio-visuel et voilà qu’à 63 ans, il se retrouve dans un CHSLD. Mon mari si jeune atteint d’Alzheimer, ce fut un choc terrible! 

QUELLE A ÉTÉ VOTRE RÉACTION?

Je suis une professionnelle en ressources humaines, mais rien ne m’avait préparé à devenir une aidante. J’étais en mode « survie ».

Avant son accident en 2017, je me doutais que quelque chose « ne tournait pas rond », car Yves perdait plus que ses clés : Il se perdait, ne savait plus se rendre en voiture chez les enfants ou à l’épicerie. Il éprouvait de la difficulté à faire un simple calcul mental ou à faire un casse-tête avec les petits.  Il était incapable de prendre une décision. Il devenait de plus en plus confus et anxieux.  C’est d’ailleurs en discussion avec la Société Alzheimer, que j’ai réalisé que mon mari démontrait des symptômes d’un trouble cognitif bien avant 2017.  À mon avis, la maladie d’Alzheimer a petit à petit affecté sa façon de penser et d’agir, son jugement et sa coordination. Tout cela a contribué à son accident. Nous n’avons pas su reconnaître les signes.

Aujourd’hui, grâce à mon entourage et à la Société Alzheimer de la Rive-Sud, je me sens moins anxieuse d’apprendre à vivre autrement et à faire face aux défis qui sont différents tous les jours.

LE SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

Après avoir effectué des recherches pour trouver une place permanente en CHSLD, j’ai réalisé qu’aucun centre de soins de longue durée ne répondait pleinement aux besoins d’une jeune personne atteinte précocement de la maladie d’Alzheimer. Le support offert à mon mari exige en effet de la créativité et des ressources multidisciplinaires.

Ce que je constate c’est que son jugement et sa mémoire ont été gravement atteints. Garder mon mari activement occupé pour qu’il se sente intégré au milieu de vie de sa nouvelle communauté, tout en gérant son anxiété, sont parmi nos plus grands défis : pour lui, pour moi et pour l’équipe médicale du CHSLD où il demeure à Chambly. Aujourd’hui, Yves marche, parle, est capable de lire à nouveau, et a retrouvé son appétit.

Lorsque Yves a de moins bonnes journées, le contact avec les enfants contribue à apaiser son anxiété. D’ailleurs, le Manoir Soleil à Chambly où il demeure a une garderie intégrée au CHSLD et c’est vraiment une formule gagnante, pour les enfants et les résidents. La musicothérapie est bénéfique elle aussi car elle réduit l’agitation et l’aide à s’exprimer. Il y a aussi la formation continue de l’équipe soignante qui aide à répondre aux besoins évolutifs de mon mari et à améliorer son quotidien.

LES RÉACTIONS DE MON ENTOURAGE

Le diagnostic a été une dure nouvelle pour nos trois enfants. Certains s’inquiètent de la probabilité de recevoir le même diagnostic que leur père. D’autres éprouvent de la difficulté à accepter le diagnostic à un si jeune âge. Et, pour les amis et la famille élargie, c’est la consternation face à cette maladie qu’on a peine à comprendre. Un grand malaise s’installe dans notre entourage et la majorité de nos amis s’éloigne petit à petit. Le malheur fait peur. L’incompréhension et la peur de l’Alzheimer créent un malaise et une tristesse face à laquelle les gens restent centrés sur leur propre douleur. Alors, ils ont tendance à s’éloigner de nous et à nous oublier. On s’isole et ça empire notre situation. On dirait qu’on vit dans un monde où nous sommes exclus.

Cependant, nos trois petits-enfants s’adaptent bien et ont une relation privilégiée avec leur papi car la force du lien intergénérationnel fait ses preuves.

ET LA STIGMATISATION?

À mon avis, l’Alzheimer et les maladies cognitives demeurent encore un grand mystère pour le public, mais aussi une zone d’inconfort, car ce dernier estime que c’est une maladie de « personne âgée »… On s’y intéressera et on en parlera plus tard.

Si on pouvait éviter de chuchoter le mot « Alzheimer » parce qu’il fait peur, parce que c’est perçu comme un déshonneur, ou s’abstenir de changer la chaîne de la radio ou de la télévision pour fuir le sujet, on pourrait sortir de notre zone de confort et parler haut et fort de la maladie pour passer des mots à l’action. En connaître davantage sur la maladie nous permet de supprimer la peur, d’apprivoiser l’inconnu et de se donner la force et les moyens d’y faire face avec plus d’espoir.

Il y a urgence d’agir, car les besoins des personnes atteintes sont criants et ceux des proches aidants, comme moi, le sont tout autant. Les responsabilités associées à notre rôle ont une incidence sur notre santé financière et personnelle et ont des impacts sur notre vie professionnelle.

 QUE FERIEZ-VOUS?

Selon mon expérience vécue, j’inviterais les services de police, les hôpitaux et les centres de soins de longue durée à investir davantage dans la formation de leurs équipes pour qu’elles aient des compétences spécifiques et spécialisées leur permettant d’interagir adéquatement avec les personnes atteintes. C’est l’approche qui fait toute la différence!

J’inviterais les jeunes, les femmes et surtout les hommes (car peu sont disponibles à titre d’accompagnateur) à entrer en contact avec leur Société Alzheimer locale pour offrir des heures de bénévolat. Elles peuvent se traduire en accompagnement ou en offrant du temps de jeu ou de musique pour la personne atteinte, procurant ainsi du répit aux proches aidants.

Identifier adéquatement les personnes atteintes de l’Alzheimer lors d’un séjour hospitalier (par ex. bracelet de couleur) permettrait d’éviter de les laisser seules durant les transferts d’un service de soins à l’autre. Offrir un endroit sécuritaire adapté à leurs besoins et/ou un service d’accompagnement lors d’un séjour à l’hôpital.

Accorder plus de place aux discussions : donner à cette maladie dégénérative et en croissance plus de visibilité pour qu’elle soit traitée en priorité comme un problème de santé important et urgent. Parallèlement aux efforts effectués dans le domaine de la recherche, il est fondamental de mieux soutenir les personnes atteintes et leurs aidants pour améliorer leur qualité de vie.

Commentaires

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Therese filion il y a 1753 jours

Merci de ce témoignage qui contient de pertinentes observations et recommandations. Mon mari a eu diagnostique d'angiopathie amyloide il y a plus de 7 ans à l'âge de 57 ans suite à une hospitalisation pour un ict. Comme il etait jeune et la maladie peu connue, l'équipe de neurologue a semblé étonné et un autre professionnel consulte dit que ce netsit pas possible à cet âge. Meme son medecin de famille ne comprenait pas la situation et n'a pas fait de lien avec les probl è mes de mémoire et dorientation dont mon conjoint lui parlait. Il y a 2 ans il a fait un autre ict et depuis il a davantage de probl è mes cognitifs et physiques. Ma santé en souffre et je ne sais pas où madtesset pour obtenir des informations sur l'évolution ainsi que l'approche dun aidant naturel.

VOICI MES CONSEILS POUR VOUS AIDER À COMPRENDRE :

  • L’Alzheimer peut tous nous toucher, même à un jeune âge. Mon mari, Yves, a reçu son diagnostic à 63 ans.
  • Ce n’est pas parce qu’une personne reçoit un diagnostic d’Alzheimer qu’elle doit s’asseoir et de regarder un mur blanc. Il faut redonner un sens à sa nouvelle réalité de vie. Il y a encore un être humain qui vibre, qui désire contribuer et conserver son autonomie. Le maintien des liens sociaux et des activités quotidiennes stimulantes sont cruciales pour l’aider à retrouver sa place dans la communauté.
  • Parlez plus lentement avec la personne atteinte : elle vous comprendra plus facilement et saura mieux décoder vos gestes, car la communication passe désormais et surtout par les émotions.
  • Même si regarder des photos font partie de notre rituel quotidien, le « ici et maintenant », occupe une très grande place. Se focaliser sur le moment présent et sur les capacités actuelles de la personne atteinte plutôt que de tenter de vivre avec ce qui est perdu nous permet de vivre des petits moments de bonheur. D’ailleurs, Yves est mon professeur du moment présent. On vit dans l’authenticité et ça, c’est un beau cadeau.
  • Contactez votre Société Alzheimer locale. Se joindre à un groupe de personnes vivant la même situation aide vraiment à se sentir moins seul.
  • Savoir c’est pouvoir : renseignez-vous pour en apprendre davantage sur la maladie d’Alzheimer. Cette maladie ne se résume pas à oublier un fait saillant ou ses clés. On me demande souvent si mon mari me reconnaît ou s’il se souvient de mon nom. Ce n’est pas important car il me dit souvent qu’il apprécie les journées que nous passons ensemble. Dans ses propres mots : « C’est beau avec toi ». Les émotions restent, le cœur se souvient.
  • Au-delà de parler et d’écouter il s’agit surtout de comprendre et d’interpréter les besoins derrière les comportements réactifs. Aujourd’hui je me sens plus habile dans mes communications avec mon mari.
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