Catherine
Je m’occupe de ma mère atteinte d’une maladie cognitive; je suis aussi sa mandataire. Elle aura 90 ans cette année. Nous avons reçu le diagnostic officiel au Centre Ontario Shores en septembre 2013 : elle avait alors 83 ans.
Ma mère est née au Royaume-Uni et s’est mariée avec mon père qui était d’Irlande. Ils ont eu trois enfants. Ils ont émigré au Canada, où nous n’avions aucune famille. C’était une personne active toujours pleine d’entrain qui adorait les gens et la vie. Elle vivait seule depuis qu’elle avait 50 ans, car mon père a succombé subitement à une crise cardiaque foudroyante à 54 ans.
Elle était de la trempe « si tu tombes, c’est pour mieux te relever ». Très indépendante, elle n’a jamais rien demandé à sa famille. Elle vivait sa vie et nous encourageait à vivre la nôtre. Cependant, puisqu’elle vivait seule, ses problèmes de mémoire étaient cachés. Elle les avait certainement depuis un certain temps, mais puisque je ne vivais pas avec elle (j’habitais à une heure de là et me déplaçais beaucoup pour le travail), je ne la voyais qu’une fois par semaine lorsque j’étais à la maison. Je n’ai donc rien remarqué… et elle était très bonne actrice.
J’ai finalement remarqué que son appartement était de plus en plus désordonné et qu’il commençait à se remplir de « trucs et de machins ». Elle n’arrêtait pas de se plaindre que son téléphone ne fonctionnait pas, mais je découvrais un instant plus tard qu’il n’était pas branché. C’était la même chose avec la télévision. Ses voisins de palier racontaient qu’elle sortait, puis revenait et ressortait immédiatement et ne se souvenait jamais qu’elle venait de sortir. J’ai essayé d’aborder le problème avec elle, mais elle me répondait toujours : « Quand tu auras mon âge, tu oublieras beaucoup de choses aussi. ».
Ma mère avait l’habitude de se rendre en Angleterre deux fois par an pour aller voir sa sœur. Au cours de sa dernière visite, je suis allée avec elle, car j’étais préoccupée. C’est à ce moment que j’ai réalisé combien la situation était grave. Elle ne savait pas faire ses valises et ne se souvenait plus où elle allait. Nous rendions visite à des parents un jour, et le lendemain, elle me disait qu’on devait aller voir ces mêmes parents avant de partir
Le diagnostic
Ma mère n’avait pas de médecin. Elle n’en avait pas vu un seul en 25 ans! Heureusement, le médecin de mon mari a accepté de la voir. Ce fut le départ d’un long parcours parsemé d’examens : IRM, tomodensitogramme, etc. avant de passer un examen au Centre Ontario Shores. Nous avons eu beaucoup de chance que ce médecin prenne les choses très au sérieux et ne nous ait pas rejetés, comme c’est très souvent le cas, j’ai entendu dire.
À ce moment, nous avons reçu le diagnostic et je savais ce qu’on allait entendre… Je n’ai donc pas été choquée. Mais, une fois que des mots sont placés sur le diagnostic, il se concrétise et il faut aborder la situation de manière très pragmatique.
C’était la même chose. Ma mère refusait de regarder la situation en face : elle n’arrêtait pas de me dire « Toi aussi tu oublieras des choses quand tu seras plus vieille! » Elle n’a jamais accepté le diagnostic et je suis sûre que si elle pouvait s’en souvenir aujourd’hui, elle nierait encore tout ça!
Il y a un moment que j’ai aimé lors du diagnostic. Quand l’équipe nous a expliqué ce qu’il voulait dire concrètement, le Dr Doell nous a dit : « il y a une représentante de la Société Alzheimer de la région de Durham ici. Aimeriez-vous lui parler?
Je voulais absolument lui parler, et je dois dire que ça m’a sauvé la vie! Michelle était si calme et si gentille…! Elle nous en a expliqué un peu plus sur le sujet et sur les services offerts par la Société. Prendre des cours dès le départ m’a permis de comprendre ce qu’étaient les divers stades de la maladie et comment interagir avec ma mère d’une manière douce et rassurante.
Les voisins de palier de ma mère ont tellement pris soin d’elle! Ils la surveillaient lorsqu’elle sortait faire une balade, lui « réparaient » son téléphone quand il ne « fonctionnait plus » et allaient chercher son courrier avant qu’elle ne le fasse pour que je puisse le vérifier et payer ses factures. Après son diagnostic et après les avoir informés du problème, les voisins m’ont répondu qu’ils avaient deviné qu’il s’agissait du premier stade de la maladie d’Alzheimer. Ils l’ont surveillée et ont pris soin d’elle jusqu’à ce que je puisse m’occuper de son nouveau domicile. À ce jour, ils continuent de m’appeler et me demandent comment elle va.
Affronter la stigmatisation
Concernant la stigmatisation, je ne peux pas vraiment dire que ma mère a dû beaucoup l’affronter. Puisqu’elle était si amicale, elle s’en est sortie. Elle adore danser : dès qu’elle entend de la musique… elle se lève. C’est comme ça qu’elle fait sourire les gens.
Elle disait toujours « Je m’en fiche s’ils rigolent de moi. Au moins, ils rigolent! » Parfois, si elle était un peu « folle », j’avais avec moi une carte de la Société Alzheimer. Elle disait : « Cette personne a l’Alzheimer. » Alors, les gens souriaient et la laissaient danser ou la laissaient faire ce qu’elle voulait.
Voici mes conseils pour vous aider à comprendre :
- Les gens doivent comprendre que les maladies cognitives sont aussi difficiles pour la famille que pour la personne atteinte.
- Prenez le temps de vous informer. Si une personne est atteinte du cancer, vous voulez savoir de quel type il s’agit, quels sont les traitements, ce à quoi il faut s’attendre, etc. Je trouve que beaucoup de gens ne traitent pas les maladies cognitives de cette manière. « Ces personnes oublient des choses. » Et voilà.
- Vivez avec la réalité de ces personnes. Ne discutez pas et ne vous excusez pas pour elles. Elles ne peuvent rien y faire et ne peuvent pas avaler une pilule pour que ça passe.
- Soyez bon envers le membre de la famille qui se bat pour offrir ses services à la personne dont il s’occupe! C’est un parcours tellement difficile!
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