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Cassandra

Ma mère a reçu son diagnostic à 57 ans.

Je l’ai su dès que je l’ai vue rater son premier test élémentaire avec notre médecin de famille. J’ai ressenti comme une douleur physique, un peu comme si on m’avait frappée dans l’estomac et que l’air me manquait. Je ne pouvais m’empêcher de trembler, mais j’essayais de le cacher pour la protéger.

Pour la plupart, les travailleurs des soins de santé que nous avons rencontrés étaient très bien. Certaines personnes lui posaient toutefois des questions (mais à ce moment, elle ne pouvait pas répondre à celles les plus élémentaires), mais cela les dérangeait et elles s’agaçaient. Même maintenant, dans son établissement de soins de longue durée, des employés font des remarques, comme « Vous savez que vous n’êtes pas censée faire ça? » ou « Vous ne vous souvenez pas? » Cela me choque profondément.

Les membres de ma famille proche niaient la réalité. Penser qu’on peut avoir l’Alzheimer si jeune est un choc énorme. Les amis de ma mère étaient aussi profondément tristes et quelques personnes ont réfléchi à leur propre mort et à la probabilité de contracter la maladie. On ne pensait vraiment pas pouvoir être atteint de l’Alzheimer à 57 ans.

Puis, une longue détresse a commencé; je ne suis même pas sûre qu’elle s’arrête vraiment un jour. Beaucoup ne lui ont plus parlé. Nous nous sommes aussi sentis coupables de parler en son nom. On lui donnait toutes les chances de répondre aux questions qu’on lui posait. Puis, on essayait à nouveau avec moins de mots, ou en utilisant des images qu’elle pouvait montrer du doigt… et si tout cela ne fonctionnait pas, ALORS la personne pouvant prendre des décisions à sa place intervenait.

On nous a aussi beaucoup dit qu’elle deviendrait violente. Je suis consciente que c’est une possibilité, mais, personnellement, je n’aimais pas beaucoup l’idée que ce comportement puisse se produire. Ma mère est la personne la plus gentille qui soit et si elle commence à s’énerver, je sais comment la canaliser tout simplement. À ce jour, elle n’a encore jamais été violente. Pas une seule fois.

Au stade léger de la maladie, ma mère disait souvent qu’elle n’était pas stupide. Elle disait « Je ne suis pas bête! » Cela me brisait le cœur de l’entendre dire ça, car, bien sûr, je savais qu’elle était si intelligente. C’est cette horrible maladie qui lui dérobait tout ce qu’elle avait de plus sacré, y compris son attitude extraordinaire.

C’est là que le fait d’avoir contracté cette maladie si jeune a été si difficile pour moi. On peut s’attendre à ce qu’une personne âgée ne puisse pas répondre à une question toute simple. On peut s’attendre à ce qu’une personne âgée dise des choses sans aucun lien avec la conversation. Les gens peuvent s’y attendre et se montrer polis. Mais, dans le cas de ma mère, les caissiers, les serveuses et d’autres personnes lui lançaient pourtant des regards méchants dès que nous étions dans un endroit public… jusqu’à ce que je puisse leur expliquer la situation à l’écart. C’était triste.

Les gens comprennent le cancer et savent ce qu’il signifie. Ils se lèvent pour vous soutenir. Les gens ne connaissent pas si bien les troubles cognitifs/l’Alzheimer. C’est une maladie qui isole et rend l’aidant solitaire… et particulièrement la personne qui vit avec ce trouble. C’est également difficile financièrement, particulièrement lorsque survient la maladie si jeune. Mais la chose la plus difficile, c’est la perte. Ma mère a perdu le confort de tous ses souvenirs les plus précieux d’une vie bien passée pendant ses dernières années.

Les choses ne « s’améliorent » pas. Elles sont tout simplement différentes. Ou bien, c’est nous qui nous améliorons en acceptant les choses. Mais sachez qu’il y a encore de nombreux aspects positifs. Lorsque j’ai eu mon deuxième enfant en avril et que j’ai commencé à l’emmener un peu partout avec moi, nous avons observé que le vocabulaire de ma mère « revenait » un peu. Cela faisait quelque temps qu’elle était incapable de former des phrases, mais, en voyant mon enfant, elle s’est écriée « Je l’aime bien. Il est drôle ». Mon cœur s’est arrêté. J’ai essayé d’intérioriser ce moment autant que possible.

Quelques dernières réflexions…

  • Les préposés aux services de soutien à la personne, les infirmières, les médecins dans les hôpitaux et dans les établissements de soins de longue durée doivent encore être tellement formés. Une infirmière de notre établissement m’a dit que « [ma mère] sait pourtant qu’elle ne peut pas faire ça! » Ce commentaire m’a démontré qu’elle ne comprenait absolument pas l’Alzheimer; elle mettait en plus une pression injuste sur ma mère.
  • J’ai aussi entendu d’autres préposés dire « Vous ne vous souvenez pas? » Elle répondait immanquablement que non et elle est maintenant stressée!
  • Un mouvement des amis des bébés est dans l’air (ce qui me parle beaucoup, car j’ai des enfants en bas âge et je viens juste d’en avoir un). En soutenant les mères, les hôpitaux qui mettent en œuvre une stratégie d’allaitement peuvent recevoir l’appellation « Amis des bébés ». J’aimerais voir la naissance de l’appellation « Amis des aînés » (même si je n’aime pas le mot « aînés », car après tout, ma mère a eu cette maladie avant d’être une aînée… mais il faut bien commencer quelque part). Cette appellation devrait commencer dans les établissements de soins de longue durée et les hôpitaux, mais on pourrait aussi la donner aux entreprises.
  • Pour le public au sens large, je sens que les aidants naturels qui s’occupent des personnes ayant des troubles cognitifs ou l’Alzheimer à début précoce devraient se faire entendre davantage. Utilisez les médias sociaux, ayez des conversations franches et honnêtes avec les gens. Parlez à celles et ceux qui peuvent s’ouvrir à vous. Écrivez à votre député et sensibilisez les personnes qui vous entourent.
  • Depuis que je suis si ouverte moi-même au sujet de ma situation, de nombreuses personnes qui ne m’auraient jamais approchée auparavant l’ont fait. Même si une seule personne change la manière dont elle traite son prochain qui a de la difficulté à répondre à une question ou à suivre des instructions… je crois que le jeu en vaut la chandelle.

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Commentaires

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Djafer Laliam il y a 1787 jours

Le trouble même léger de votre mère est augmenté dès la moindre pression , sa sensibilité est décuplée par l'effort pour répondre à la plus simple question. Je tente de transmettre un message aux organismes spécialisés pour explorer certains points essentiels qui peuvent permettre à ces patients de reprendre conscience.

VOICI MES CONSEILS POUR VOUS AIDER À COMPRENDRE :

  • Ce n’est pas une maladie de « personne âgée ». Ma mère a reçu son diagnostic à 57 ans, mais manifestement, elle a traîné la maladie pendant des années. Personne ne pense à l’Alzheimer au début de la cinquantaine.
  • Elle a besoin de patience et de compréhension. Si une personne dit n’importe quoi ou quelque chose complètement hors sujet, merci de lui laisser le bénéfice du doute, même si elle n’a pas l’air « âgée ». Il peut s’agir de tout un éventail de problèmes de santé mentale et chacun mérite le respect.
  • Prendre soin d’une personne vivant avec l’Alzheimer est très difficile. La personne ne comprend pas toujours pourquoi elle a besoin d’aide et on ne peut pas toujours raisonner avec elle. C’est déchirant. Imaginez votre propre mère qui ne se souvient plus de vous!
  • Le chagrin ne s’arrête jamais. Il est tout simplement « différent ». J’ai passé des mois à chercher des établissements de soins de longue durée. Je me sentais bien de savoir que c’était l’étape suivante et qu’elle était nécessaire. Mais, lorsque j’ai enfin reçu l’appel, je me suis effondrée. Ma mère doit aller dans établissement à 58 ans. Elle n’a jamais voyagé. Elle n’assistera ni au mariage de mon frère ni à celui de ma sœur. Elle ne connaîtra jamais vraiment ses petits-enfants.
  • L’Alzheimer laisse des traces. Avant de recevoir son diagnostic et quand elle passait des tests et subissait des dépistages, nous espérions une tumeur cérébrale. Je sais que cela peut sembler difficile, voire offensant. Mais, si ça avait été une tumeur cérébrale, cela lui aurait donné, à elle comme à nous, une chance de faire quelque chose.
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